de ma flèche. La femme lâche son arme et me tend quelque chose au creux de sa main gantée.                                                                                                                                                        — Arrête ! s'écrie-t-elle.                                                                                                          J'hésite, déstabilisée par la tournure des événements. Peut-être leur a-t-on donné l'ordre de me prendre vivante afin de pouvoir me torturer et m'obliger à accuser les miens. « Compte là—dessus et bois de l'eau. » Je suis sur le point de relâcher ma flèche quand je remarque l'objet qu'elle tient à la main. C'est un petit pain en forme de huit. Une sorte de gros bretzel. Moisi, un peu humide sur les bords.                                                                                      Mais une image inimitable se découpe au milieu. J'aperçois en son centre un motif reconnaissable entre mille. Celui de mon geai moqueur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DEUXIEME PARTIE

 

10

 

Ca n'a aucun sens. Mon oiseau, façonné et cuit dans un pain. Au contraire des représentations stylisées que j'ai vues au Capitole, il ne saurait s'agir ici d'un effet de mode.

          Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que ça veut dire ? je m'écrie d'un ton hargneux, toujours prête à tuer.

          Ça veut dire qu'on est dans ton camp, répond timidement une voix féminine derrière moi.                                                                                                                                               Je n'ai aperçu personne en m'approchant. L'autre devait être cachée dans la maison. Je ne quitte pas ma cible des yeux. La nouvelle venue est sans doute armée aussi, mais je parie qu'elle ne me fera pas entendre le déclic de son arme, sachant que j'abattrais aussitôt sa collègue.

           Avance-toi, que je puisse te voir, dis-je.

Elle ne peut pas, elle est..., commence la femme au pain.

           Avance-toi !

J'entends des pas traînants, un souffle rauque. Une autre femme, ou plutôt une jeune fille car elle doit avoir à peu prés mon âge, sort à découvert en claudiquant. Sa silhouette mince flotte dans un uniforme de Pacificateur trop grand pour elle. Apparemment désarmée, elle s'appuie des deux mains sur une branche morte qui lui tient lieu de béquille, le bout de sa botte droite traîne dans la neige.                                                                                                            J'examine le visage de la fille, que le froid rend écarlate. Elle a les dents de travers ainsi qu'une tache de naissance au-dessus d'un œil. Ce n'est pas une Pacificatrice. Ni même une habitante du Capitole.                                                                                                                                Je reste sur mes gardes, mais ma voix devient moins agressive.

            Qui êtes-vous ?

           Je m'appelle Twill, répond la femme. (Plus âgée que sa compagne, elle a autour de trente-cinq ans.) Et elle, Bonnie. Nous sommes des fugitives du district Huit.                                                                             Le district Huit ! Alors, elles doivent être au courant du soulèvement !

            D'où sortez-vous ces uniformes ?

           Je les ai volés à l’usine, explique Bonnie. C'est nous qui les fabriquions. Sauf que j'avais prévu celui—là pour... quelqu'un d'autre. C'est pour ça qu'il est un peu grand.

            Quant à l'arme, je l'ai prise sur le corps d'un Pacificateur, ajoute Twill en suivant mon regard.

Ce petit pain que vous tenez. Pourquoi cet oiseau ?

Tu ne sais vraiment pas, Katniss ? s'étonne Bonnie.                                                                       Elles m'ont reconnue. Bien sûr ! Une fille qui se tient là, tête nue, à les menacer de son arc à l'extérieur du district Douze. Qui d'autre cela pourrait-il être ?

            C'est le même motif que sur la broche que je portais dans l'arène.

            Elle n'est pas au courant, dit Bonnie à voix basse. Si ça se trouve, elle ne sait rien du tout.

           Je sais que vous avez eu un soulèvement dans le Huit, Dis-je pour me donner une contenance.

C'est pour ça qu'il a fallu nous enfuir, confirme Twill.

— Bravo, c'est réussi. Et maintenant, quelles sont vos intentions ?

            Nous sommes en route pour le district Treize.

            Le Treize ? Il n'y a plus de Treize. Il a été rayé de la carte.

            Oui, il y a soixante—quinze ans, dit Twill.                                                                                      Bonnie déplace son poids sur sa béquille avec une grimace.

            Qu'est-ce qu'elle a, ta jambe ?

           Je me suis tordu la cheville. Mes bottes sont trop grandes.                                          Je me mords la lèvre. Mon instinct me souffle qu'elles disent la vérité. Et derrière cette vérité se trouve une foule de renseignements précieux. Néanmoins, je m'avance et je ramasse l'arme de Twill avant d'abaisser mon arc. Puis j'hésite un moment, en me rappelant cette autre journée clans la forêt où Gale et moi avons vu un hovercraft se matérialiser en plein ciel pour capturer deux fugitifs du Capitole. Le garçon s'était fait harponner et tuer. La rousse, ai je découvert lors de ma venue au Capitole, avait été mutilée et changée en Muette.

           Vous n'êtes pas poursuivies ?                                                                                   — Je ne crois pas. Ils doivent s'imaginer que nous sommes mortes dans l'explosion de l'usine, dit Twill. Il n'en est fallu de peu, d'ailleurs.

— Très bien, passons à l'intérieur, Dis-je en indiquant la maison en béton.

Je les suis en emportant l'arme. Bonnie va directement à la cheminée et se laisse tomber sue un manteau de Pacificateur étalé par terre. De maigres flammes s'élèvent d'une bûche à demi calcinée. Elle tend les mains par—dessus, en grelottant. Sa peau est si pâle qu'elle en devient presque translucide ; j'ai l'impression de voir brûler le feu à travers ses doigts. Twill remonte le manteau sans doute le sien, sur les épaules de la jeune fille.

Un bidon en fer—blanc coupé en deux, au bord dentelé et dangereux, repose dans les braises. Une poignée d'aiguilles de sapin y infuse dans de l'eau bouillante.

           Vous vous faites de la tisane ? je demande.

          Je n'en sais trop rien. Je me souviens d'avoir vu quelqu'un préparer un breuvage de ce genre au cours des Hunger Games, il ya quelques années. Enfin, je crois que c'étaient des aiguilles de sapin, répond Twill en fronçant les sourcils.                                                                             Je me rappelle le district Huit, une zone urbaine crasseuse qui empestait les vapeurs industrielles, où les gens s'entassaient dans des immeubles délabrés. À peine un brin d'herbe en vue. Jamais la moindre occasion d'apprendre à se débrouiller dans la nature. C'est un miracle, que ces deux-là soient parvenues jusqu'ici.

           Vous n'avez rien à manger ?

Bonnie hoche la tête.

           On a emporté ce qu'on pouvait, mais il y avait pénurie. Il ne nous reste plus rien.                                                                                                  La fêlure dans sa voix balaye mes dernières réticences. Ce n'est qu'une gamine affamée, blessée, qui cherche à fuir le Capitole.

          Eh bien, c'est votre jour de chance, Dis-je en laissant tomber ma besace par terre.

Des gens meurent de faim dans tout le district, mais, pour notre part, nous avons encore largement ce qu'il nous faut. Alors, je me suis mise à donner de la nourriture autour de moi. J'ai mes priorités : la famille de Gale, Sae Boui-boui, d'autres connaissances de la Plaque qui ont dû fermer boutique. Ma mère a les siennes, des patients pour la plu part, qu'elle tient à aider. Ce matin j'ai bourré ma besace exprès, sachant que ma mère verrait le placard vide et s'imaginerait que je suis partie faire ma tournée des affamés. En réalité, je gagnais du temps pour me rendre au lac sans qu'elle s'inquiète. J'avais l'intention de distribuer mes provisions ce soir, à mon retour, mais je crois que ce sera pour une autre fois.                                                                                                                                                        Je sors de la besace deux petits pains ronds recouverts de fromage fondu. Nous en avons toujours à la maison depuis que Peeta a découvert que je les aimais. J'en lance un à Twill, mais je me penche et dépose l'autre sur les genoux de Bonnie, car sa coordination laisse à désirer, et je n'ai pas envie qu'il finisse dans le feu.                                                                                  — Oh, soupire Bonnie. C'est pour moi ? Je peux tout prendre ?                                                               J'ai un pincement au cœur en me rappelant une autre voix. Celle de Rue. Dans l'arène. Quand je lui avais donné Une cuisse de groosling. « Oh, c'est la première fois que j'ai une cuisse entière pour moi toute seule. » L'incrédulité, de l’affamé chronique.

—  Oui, vas-y, mange, dis-je. (Bonnie tient le pain comme si elle ne parvenait pas à se convaincre de sa réalité, puis mord dedans, encore et encore, sans pouvoir s'arrêter.)                                                               — C'est meilleur quand on mâche.                                                                                                                 (Elle hoche la tête, essaie de prendre son temps, mais je sais à quel point c'est dur quand on a le ventre creux.) J'ai l'impression que votre tisane est prête. Je sors le bidon du feu. Twill prend deux gobelets en fer blanc dans son paquetage et je verse la tisane. Les deux femmes se pelotonnent l'une contre l'autre, en mangeant, en soufflant sur le breuvage brûlant, en buvant à petites pilles pendant que je rajoute du bois sur le feu. J'attends quelles aient fini de se lécher les dernières traces de gras sue les doigts pour leur demander :                                                                                                                                                  — Alors, c'est quoi votre histoire ?                                                                                 Et elles se mettent à raconter. Depuis les Hunger Games, le mécontentement n'avait cessé de croître dans le district Huit. Il existait depuis toujours, bien sûr, à un certain degré. Mais, désormais, les discours ne suffisaient plus et l'idée de passer à l'action avait fait son chemin. Les usines de textile qui fournissaient la totalité de Panem résonnaient du fracas des machines, ce qui avait permis aux ouvriers de se passer le mot discrètement, par le bouche-à-oreille. Twill était enseignante, Bonnie faisait partie de ses élèves ; après la dernière sonnerie, chacune d'elles partait travailler quatre heures dans l'usine où l'on fabriquait les uniformes des Pacificateurs. Bonnie, affectée aux inspections hivernales, avait mis des mois à détourner les deux uniformes, une botte par-ci, un pantalon par-là. Ils étaient destinés à Twill et à son mari, car il avait été convenu que dès le début du soulèvement tous deux partiraient répandre la nouvelle hors du district pour que le mouvement s'étende et réussisse. Le jour de notre apparition à Peeta et moi, lors de la Tournée de la victoire, avait constitué une sorte de répétition. Les gens dans la foule s'étaient regroupés par équipes, près des bâtiments qu'ils prendraient pour cible au moment décisif. Leur plan était le suivant : s'emparer des symboles d'autorité tels que l'hôtel de justice, le quartier général des Pacificateurs et le centre de communication sur la Grand-Place. Tout en frappant d'autres points stratégiques du district : la voie ferrée, le grenier, l'usine électrique et l'arsenal.

La nuit de mes fiançailles, au moment même où Peeta posait un genou à terre et proclamait son amour éternel pour moi devant les caméras du Capitole, le soulèvement avait éclaté. C'était l'occasion idéale. Chacun était tenu de regarder notre interview par Caesar Flickerman. Les gens du district Huit avaient ainsi une bonne raison de se trouver dans les rues à la nuit tombée, regroupés devant les écrans géants sur la Grand-Place ou dans les différents foyers communautaires. D'ordinaire, ce genre de rassemblements auraient paru suspects. Au lieu de quoi, tout le monde était en place à 8 heures pile, quand les masques étaient tombés et que l'enfer avait commencé.                                                             Pris par surprise, dépassés par le nombre, les Pacificateurs avaient rapidement battu en retraite. Les rebelles s'étaient rendus maîtres du centre de communication, du grenier et de l'usine électrique, récupérant au passage les armes de leurs anciens gardiens. Un bref instant on avait pu croire qu'il ne s'agissait pas d'un acte de folie, que d'une manière ou d'une autre on parviendrait à prévenir les autres districts et qu'un renversement du gouvernement deviendrait possible. Et puis, le couperet était tombé. D'autres Pacificateurs avaient débarqué par milliers. Des hovercrafts étaient venus bombarder les positions des rebelles. Dans le chaos total qui s'était ensuivi, les gens avaient tout juste pu se terrer chez eux. En moins de quarante-huit heures, le calme avait était rétabli. Après quoi le district avait été bouclé. Plus de nourriture, plus de charbon, instauration du couvre—feu. La seule fois où la télévision avait affiché autre chose que de la neige parasite, c'était pour montrer la pendaison des soit disant agitateurs sur la Grand-Place. Un soir enfin, alors que le district entier crevait de faim, l'ordre avait été donné de reprendre le travail.                           Pour Twill et pour Bonnie, ça voulait dire retourner à l’école. Une rue jonchée de gravats les avait obligées à faire un détour, si bien qu'elles se trouvaient encore à une centaine de mètres de l'usine quand celle—ci avait explosé, tuant tout le monde à l'intérieur — y compris le mari de Twill et toute la famille de Bonnie.

           On a dû dire au Capitole que l'idée du soulèvement était partie de là, commenta Twill d'une voix brisée.                                                                                                                                   Elles étaient retournées ensemble chez Twill, où les uniformes volés les attendaient toujours. Elles avaient rassemblé toutes les provisions qu'elles avaient pu trouver, y compris chez les voisins morts dans l'explosion de l'usine. Et elles s'étaient rendues à la gare. Après s'être changées en Pacificatrices dans un entrepôt désert, elles avaient réussi à se glisser dans un wagon rempli de tissu à destination du district Six. A l'occasion d'un arrêt pour refaire le plein, elles avaient quitté le train et continué à pied. Dissimulées dans les bois, tout en se guidant grâce aux rails, elles avaient atteint le district Douze deux jours plus tôt mais avaient dû s'arrêter quand Bonnie s'était tordu la cheville.

          Je comprends que vous ayez voulu fuir, mais qu'espérez-vous trouver au district Treize ? leur dis-je.

Bonnie et Twill échangent un regard nerveux.

            On ne sait pas exactement, me répond Twill.

            Il n'y a plus que des ruines, là—bas. Vous n'avez pas vu les images ?

           Si, justement. Aussi loin qu'on se souvienne, ce sont toujours les mêmes images.

            Ah bon ?                                                                                                                              J'essaie de me rappeler les images du district Treize qu'on nous passe régulièrement à la télé.

           Tu vois l'hôtel de justice ? Ils le montrent à tous les coups, reprend Twill. (Je fais oui de la tête. Je l'ai vu des milliers de fois.) Si on regarde très attentivement, on le voit. En haut à droite, dans le coin.

            Quoi donc ?

            Twill me ressort son bretzel avec l'oiseau. Un geai moqueur. On le voit traverser l'image. C'est le même chaque fois.

           Chez nous, on pense que le Capitole rediffuse sans arrêt la même séquence parce qu'il ne veut pas montrer ce qu'il y a vraiment là—bas, intervient Bonnie.

J'émets un grognement incrédule.

           Et c'est là—dessus que vous vous basez pour vous rendre au district Treize ? L'image d'un oiseau ? Que croyez-vous découvrir ? Une ville flambant neuve avec des gens dans les rues ? Sans que le Capitole n’y trouve rien à redire ?

           Non, répond Twill avec sérieux. Nous pensons que les gens se sont réfugiés sous terre après la destruction de leur district. Qu'ils ont réussi à survivre. Et que le Capitole les laisse tranquilles parce que, avant les jours obscurs, la principale industrie du district Treize était l'énergie nucléaire.

Je proteste :

           C'étaient des mineurs de graphite !                                                                                                    Puis j'hésite un instant, car c'est une information que je liens du Capitole.

Ils exploitaient quelques mines, oui, me concède Twill. Mais pas assez pour justifier une population de cette importance. C'est la seule chose dont nous soyons vraiment certaines. Mon cœur s'emballe. Et si elles avaient raison ? Est-ce possible ? Y aurait-il un refuge quelque part au milieu de ces terres sauvages ? Un endroit sûr ? S'il existe bel et bien une communauté dans le district Treize, ne ferais-je pas mieux de la rejoindre, plutôt que d'attendre ici une mort Inutile ? D'un autre côté... s'il y a vraiment des gens là—bas, munis d'armes puissantes…

— Pourquoi ne nous ont-ils jamais aidés ? Dis-je ave colère. Si c'est vrai, pourquoi nous laissent-ils endurer ces conditions ? La faim, les exécutions, les Jeux ?

Soudain, j'éprouve une flambée de haine envers cette ville souterraine imaginaire du district Treize ainsi que ses habitants qui restent les bras croisés, à nous regarder mourir. Ils ne valent pas mieux que ceux du Capitole.

— On n'en sait rien, murmure Bonnie. On s'accroche, simplement à l'espoir qu'ils existent.

Sa réponse me ramène à la raison. Elles se bercent d'illusions. Le district Treize n'existe plus, car le Capitole ne l'aurait jamais permis. Elles doivent se tromper à propos des images. Les geais moqueurs sont à peu près aussi rares que les pierres. Et presque aussi coriaces. S'ils ont pu survivre au bombardement initial du Treize, ils doivent se porter mieux que jamais à présent.

Bonnie n'a plus de foyer. Sa famille est morte. Retourner au district Huit ou se fondre dans un autre lui serait impossible. Bien sûr que l'idée d'un district Treize florissant et indépendant la séduit ! Je ne veux pas lui dire qu'elle poursuit une chimère, aussi insaisissable qu'un filet de fumée. Twill et elles réussiront Peut-être à s'inventer une nouvelle vie quelque part dans la forêt. J'en doute, mais elles sont si pitoyables que je me dois de les aider. Je commence par leur donner le contenu entier de ma besace, principalement du blé et des haricots secs. Ça devrait leur permettre de tenir un moment si elles font attention. Ensuite, j'emmène Twill avec moi dans la forêt et j'essaie de lui enseigner les rudiments de la chasse. Son arme peut convertir l'énergie solaire en rayons mortels, elle ne risque donc pas de s'épuiser. Le premier écureuil qu'elle réussit à tuer est presque entièrement calciné, le pauvre, elle l'a touché de plein fouet. Je lui montre comment l'écorcher et le vider. Avec un peu de pratique, elle se débrouillera très bien. Je taille une nouvelle béquille pour Bonnie. De retour à la maison, je sors une paire de chaussettes de rechange. Je lui conseille de les fourrer au fond de ses bottes pour marcher et de les enfiler pour la nuit. Enfin, je leur apprends à faire un feu correct.

Elles me posent toutes sortes de questions sur la situation, du district Douze. Je leur parle de nos conditions de vie depuis l'arrivée de Thread. Je vois bien qu'elles s'imaginent recueillir des renseignements précieux pour les habitants du district Treize, et je joue le jeu, afin de ne pas ruiner leurs espoirs. Mais bientôt le soleil commence à descendre sur l’horizon.

— Il faut que j'y aille.                                                                                                                             Elles m'embrassent et se confondent en remerciements.

Bonnie a les larmes aux yeux.

— Je n'arrive pas à croire que ce soit vraiment toi. Tout le monde ne parle plus que de toi, depuis que...

— Je sais, je sais. Depuis que j'ai sorti ces fichues baies, Dis-je avec lassitude.

Le trajet du retour passe très vite, malgré la neige qui se remet à tomber. Je n'arrête pas de repenser au soulèvement du district Huit, ainsi qu'au district Treize. Se pourrait-il qu'ils aient survécu ? Cette idée me fascine.

La discussion avec Twill et Bonnie a confirmé une chose : le président Snow m'a prise pour une idiote. Tous les baisers, toutes les preuves d'amour du monde n'auraient rien arrêté dans le district Huit. D'accord, ce sont mes baies qui ont mis le feu aux poudres, mais je n'avais aucune chance d'étouffer l'incendie. Il le savait certainement. Alors Pourquoi se donner la peine de venir chez moi, de m’ordonner de convaincre le public de ma sincérité envers Peeta ? À l'évidence, il s'agissait surtout de m'empêcher de souffler sur les braises à travers les districts. Et de distraire les braves gens du Capitole, naturellement. Je suppose que mon mariage s'inscrit dans la continuité logique de cette démarche.                                                Le grillage n'est plus très loin lorsqu'un geai moqueur se pose sur une branche devant moi et se met à siffler. En le voyant, je réalise que je n'ai toujours pas eu d'explication à propos du bretzel et de ce qu'il représente. « Ça veut dire qu'on est dans ton camp », a prétendu Bonnie. J'aurais des gens dans mon camp ? Quel camp ? Serais (je devenue malgré moi l'incarnation de cette rébellion tant attendue ? Le geai moqueur de ma broche serait(il un symbole de la résistance ? Si c'est le cas, la partie semble bien mal engagée pour mon camp. Il suffit de voir où en est le district Huit.                                                                Après avoir dissimulé mes armes dans le tronc creux près de mon ancienne maison, je me dirige vers le grillage. Un genou à terre, je me prépare à me glisser dans le Pré, mais je suis encore absorbée par les événements du jour. Un hululement me ramène à la réalité.

Dans le jour déclinant, les mailles ont leur aspect habituel. Mais, soudain, je retire ma main en sursautant : leur bourdonnement, semblable à celui d'un nid de guêpes tueuses, m'indique que le grillage est sous tension.